vendredi 20 mars 2015

CHEZ MOI

Chez moi. Ou chez nous.. Expression récurrente quand on parle avec les sympathisants du FN. Le plus souvent avec l’expression-clef : « Ils n’ont rien à foutre chez nous ».

On devrait peut être réfléchir à ça. Réfléchir, pas s’envoyer des invectives ou traiter le locuteur d’imbécile sous-corticalisé. Parce que le locuteur, dans un processus de vote démocratique, il compte. On ne peut pas le nier, l’annihiler.

J’essaye. J’essaye d’aller plus loi, de comprendre, parce que « chez nous », c’est une locution qui parle du lieu. C’est de la géographie. Et donc de la géopolitique.

En fait, le locuteur, il me parle de lieu parce que c’est le plus simple. Le lieu devient le confluent de tout un tas d’arguments, de raisons, de symboles. On en parle rarement avec des arguments géographiques. C’est plus souvent historique, religieux, sociologique, économique ou linguistique même. Normal. Parce que « chez moi » ne signifie jamais le titre cadastral. C’est plus complexe, plus riche.

« Chez moi », c’est d’abord une exclusion, pas une appropriation. Ça exclue tous ceux qui ne sont pas chez moi. La vraie fracture est là, entre ceux qui excluent et ceux qui acceptent. La doxa affirme qu’exclure l’Autre (remarquez la majuscule qui magnifie l’autre), c’est pas bien. C’est pas humaniste, pas humain. L’Autre, il faut l’aider. Le sympathisant du FN, il pose la question : pourquoi ? Qui m’aide, moi ? Et est ce que l’aider ne diminue pas l’aide dont, moi, j’ai besoin ?

On en a déjà parlé. C’est un sentiment communautaire. On doit remarquer ceci : dans le FN, le syntagme validant, c’est « National » parce qu’il implique une communauté géographiquement délimitée, ce que n’impliquent ni le « socialiste » des uns ou le « populaire » des autres.

On est front contre front. Communauté géographique contre communauté idéologique. D’autant plus que ceux qui affichent une idéologie s’en préoccupent peu, dans les faits. Deux fois plus de candidats ouvriers au FN qu’au PS ou à l’UMP.

Voilà quarante ans (depuis Giscard, en gros) que la doxa veut annihiler le sentiment national. La doxa refuse de voir des signes pertinents jugés inutiles. La montée en puissance des clubs de généalogistes par exemple. De plus en plus de citoyens s’intéressent à l’histoire de leur famille, à leurs racines. Et tout les ramène à la Nation. A un terroir. On pourrait d’ailleurs en rapprocher les milliers de gens qui s’intéressent au vin. Ou aux locavores. Tout un fonctionnement qui privilégie la proximité, le voisinage, le cousinage. On s’entend mieux avec le proche qu’avec le lointain. C’est comme ça.

C’est ce que dit le Front National. Chez nous veut dire entre nous. La doxa affirme que le lointain est une richesse, culturelle, intellectuelle. Ce qui est indéniable. A ce détail près que connaître n’est pas approuver ou accepter. Je peux connaître la culture des tribus du haut-Sepik et ne pas accepter le cannibalisme ou les étuis péniens. Je peux aimer les griots et les joueurs de kora et rejeter l’excision. La connaissance ne laisse aucune place aux sentiments.

Et là, la doxa renâcle. Elle me demande une adhésion complète en mélangeant tous les argumentaires. L’argument le plus fort est l’argument économique. La survie de l’Autre. L’émigrant n’a pas le choix s’il veut survivre. Tu parles d’un argument ! L’électeur populaire, il voit d’abord que la survie de l’Autre menace la sienne propre. Il n’hésite pas à dire qu’il n’a pas vocation à accueillir toute la misère du monde. On revient à Raymond Cartier : la Corrèze avant le Zambèze. Avec le Président qu’on a, je m’étonne que personne n’ait ressorti le slogan, ça aurait du sens.

Tout ça, je le retourne dans tous les sens. Je viens d’un pays d’émigration : il y a plus de Basques en Amérique qu’en Europe et j’ai plus de cousins au Paraguay que dans le bas-Adour. Des mecs qui sont partis avec des passeurs et des filières, car tout est toujours pareil. Avec plein de morts car dans les années 1880, le taux de mortalité des émigrés tournait autour de 30% mais on parle toujours plus de ceux qui ont réussi car ils sont visibles que des morts enterrés à la va-vite et vite oubliés.

Mes cousins, ils sont plus Paraguayens ou Chiliens que Français. Ils sont totalement assimilés. Il y a toutefois une différence essentielle : ils sont partis pour construire un pays (éventuellement en détruisant quelques Mapuches ou Guaranis) et non pour s’installer dans un pays déjà construit. Si on commençait par distinguer les deux cas, je crois que notre réflexion serait différente : ce n’est pas la même chose de faire sa place et de prendre la place d’un autre.

Et, effectivement, mettre la communauté nationale au centre du débat entraine nécessairement un peu d’égoïsme.

On en vient donc à la vraie question : l’égoïsme est il une tare ?

On en reparlera…..



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