jeudi 30 juillet 2015

LE LION

Non, on va pas parler de Kessel. Encore que… Cette délicieuse histoire d’amour entre une petite fille et un fauve n’est peut-être pas si innocente. Un bon écrivain arrive à te faire croire à l’incroyable. Mais la cruelle réalité, c’est qu’un lion est un fauve.

Bon. Parlons du dentiste. Le dentiste qui a flingué un iconique lion. Je le connais pas, mais je peux l’imaginer. Une sorte de Républicain, vivant en province dans une maison avec tous les signes de la réussite sociale à l’américaine. Trois ou quatre bagnoles, une femme qui s’enveloppe avec l’âge et qui va dépenser ses tunes en fitness et coaching. Bref, un Américain gavé de fric. Tout ce que j’aime pas.

Le mec, il a une passion : la chasse au gros gibier. Il est pas le seul, j’en ai connu aussi en France. Tous ces mecs sont en général abonnés à des revues, suivent des sites Internet, s’informent. Parce que faut pas croire. Tu pars pas comme ça dézinguer un grizzly, un jaguar…ou un lion.

C’est vachement codifié. Annuellement, les gouvernements vendent des permis de tuer. L’ours kodiak, par exemple, c’est une grosse dizaine par an. Et donc, organisation d’une vente aux enchères où les guides de chasse viennent acheter leur permis. Les guides, pas les clients.

Quand il a son permis, le guide, il met la sauce autour : le personnel, les voitures, le matériel, la bouffe et sa marge. Et il paye de belles pubs dans les journaux ou sur les sites et le client sait que, moyennant tant de dollars, il pourra mettre un kodiak (ou un lion, ou un jaguar) dans sa salle des trophées. Tout ça est assez bien contrôlé, avec des scientifiques qui veillent à la régulation des populations et à la préservation des patrimoines génétiques.

Et donc, le dentiste du Kentucky (j’en sais rien mais ce n’est pas pertinent), il colle sa carte bleue dans son ordinateur et il s’offre un lion avec la société Hunting Safaris (j'invente le nom) qui lui garantit ce lion dans la semaine du 4 juillet. Quel lion ? Le dentiste n’en sait fichtre rien. Le guide, s’il est bon, il a son idée. S’il est moins bon, il va activer tout de suite son réseau de pisteurs locaux pour préparer le safari. Quand le client débarque, on lui dit que son lion est repéré dans la zone de Mamoba, que tout est prêt sauf le whisky parce qu’il n’a pas indiqué sa marque préférée. Le guide montre l’autorisation tamponnée par le gouvernement, sa licence, ses assurances et c’est parti.

Le client, on l’emmène pas tout de suite vers la bête. Faut rechercher un peu, pister (ou faire semblant). C’est vrai quoi, le mec il a dépensé beaucoup, vraiment beaucoup, de fric. S’il atteint l’objectif le lendemain de son arrivée, il va se sentir pigeon. Tout voyage organisé est basé sur ça : l’incertitude supposée et la difficulté surmontée grâce à l’organisateur dont l'intérêt est de prouver que, sans lui, t'y serais pas arrivé.

Tout ceci pour dire que le dentiste du Montana (ou du Kentucky), on l’a transporté comme une valise devant un lion et on lui a dit de tirer. Il avait payé pour ça. Il a tiré.

Et c’était pas le bon lion ! Mais lui qu’est ce qu’il pouvait en savoir ? En revanche, le guide devait savoir. C’était son boulot, grassement payé. Mais le guide, responsable, personne n’en parle. Est-ce parce qu’il est Africain ? Ce qui serait une circonstance aggravante. Si les Africains ne protègent pas l’Afrique, c’est pas les Arméniens qui vont s’y coller…. Et je suis quasi-certain qu'il est Africain. En général, les licences de chasse sont réservées aux nationaux.

Le dentiste, a priori, il représente tout ce que j’aime pas. Mais c’est pas une raison pour lui coller une responsabilité qui n’est pas la sienne. Il en a assez sur le dos avec son mode de vie qui détruit la planète et ses votes qui ont fait de son pays l’assassin du monde.

D’autant que le lion, c’est pas vraiment une espèce menacée. Y’en a dans tous les zoos du monde, ça se reproduit plutôt bien. On en est à travailler sur les sous-espèces. Sur un plan écologique, ça n’a aucun intérêt. Intéressez vous plutôt aux crapauds. Là, tout bon écologiste se fera du souci en regardant les cartes de distribution.

Comme toujours, une grosse vague affective vient remplacer la froide raison. Je l’avais déjà vu dans les Pyrénées où tout le monde se passionnait pour l’ours, si semblable à une peluche, mais personne ne savait rien de l’avenir du desman, cette musaraigne aquatique et discrète. Moyennant quoi, on a fait venir des ours de Slovénie, avec des patrimoines génétiques différents : c’est une pollution.

La meilleure solution, c’était de capturer les survivants, de les coller dans un zoo et de reconstituer le cheptel éventuellement avec de la PMA. Capturer au lieu de libérer. Mais ça aurait fait grincer les dents.

A l’époque j’en avais parlé avec Aldebert qui était directeur technique d’un zoo fort peu médiatique mais de haute qualité. Devant une bouteille de blanc, il m’expliquait que dans son zoo, il n’y avait que des ours mâles. Les femelles avaient été prêtées. La raison ? Dès que tu mets mâles et femelles ensemble, ils se reproduisent comme des lapins et on est envahi d’oursons qui te dévorent le budget. Or, Aldebert, le budget, il en avait besoin pour ses travaux sur la reproduction des vipères. Mais ça, le public ne comprend pas.

Le public ne comprend pas…. On en reparlera…

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