samedi 26 novembre 2016

MEYMAC, BERCEAU DE LA COMMUNICATION POLITIQUE

L’abbé Breuil avait coutume de dire que le berceau de l’Humanité était un berceau à roulettes, signifiant ainsi qu’on ne pouvait assigner un lieu à ce qui était complexe.

Voilà longtemps que je pensais qu’il en allait de même pour la communication de masse, surtout politique. Genève à cause de Saussure, Paris pour Gustave Le Bon, Nuremberg pour Goebbels. Plus les innombrables universités d’où sont sortis de passionnantes recherches.

Hé bien, non. La communication politique est née à Meymac, ravissant bourg de Haute-Corrèze. Il faut que je vous raconte.

A la fin du XIXème siècle, les Meymacois sont pauvres. Certains se lancent alors dans le courtage ce qui est courageux vu que Meymac ne produit rien. Rien de vendable, s’entend.

Nos Corréziens partent sur les chemins et vont, notamment en Belgique, vendre du vin de Bordeaux. Les plus riches achètent des barriques à Saint Emilion ou Pomerol et mettent le vin en bouteille. Les moins riches commencent par vendre les bouteilles et se débrouillent ensuite avec les autres pour assurer la livraison.

Mais déjà, nos colporteurs savent qu’il leur faut une légitimité. Ils se munissent donc de belles cartes de visite où ils indiquent dans l’adresse « Meymac-près-Bordeaux ». Le « près » correspond à 300 kilomètres mais vu de Bruxelles ou de Namur, ça peut passer.

Et ça passe !!! Meymac devient incontournable dans le négoce bordelais. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les plus riches se font construire de belles maisons (pas trop ostentatoires, le Corrézien est plus près de ses sous que de Bordeaux) qu’ils baptisent « châteaux », comme à Bordeaux, afin de compléter l’adresse. Parfois, un client débarque et s’étonne de ne pas admirer de beaux rangs de vignes. Qu’à cela ne tienne, la réponse est toute prête : « Les vignes ? Mais quand le temps n’est pas beau, on les rentre pour les protéger ».

La vérité oblige à dire que les Meymacois investissent dans quelques propriétés autour de Pomerol ou Saint-Emilion, histoire de s’assurer l’approvisionnement. C’est ainsi que Pétrus, La Conseillante, Angélus ou Cheval-Blanc deviendront fiefs de Corrèze.

J’ai appris l’histoire à Meymac, avec quelques vieux Corréziens, autour de jolis flacons de vin des gorges de la Vézère, véritable AOP corrézienne qui mérite qu’on s’y intéresse. La moitié des interlocuteurs trouvaient  l’histoire intéressante (d’autant que l‘Office de Tourisme s’en est emparée), l’autre moitié affirmait que les « vieux » étaient des escrocs, sympathiques et rubiconds, mais profondément malhonnêtes.

La lumière se fit quand une voix rocailleuse crut trancher le débat : « Ben, c’est une tradition. Regarde l’autre Normand qui se fait passer pour Corrézien. Rouen, c’est plus loin que Bordeaux quand même ! »

Ben oui. La vérité, on s’en fout dès lors que le mensonge l’habille bien. D’un seul coup, j’ai compris pourquoi le département a donné deux Présidents à la France. Quand on réussit à se faire élire par des gens qui savent déguiser ainsi la géographie, pourtant la chose la plus infalsifiable du monde, toute carrière est permise.

Et donc, pour 2017, on a du bol, on n’aura pas de candidat corrézien. Sauf si Juppé nous explique qu’il est maire de Bordeaux-près-Meymac ce qui serait un joli retour des choses.

Dans la foulée, je suis allé à Combressol, berceau de la famille Pécresse. Elle n’y est pas allée. On a eu du bol !