samedi 14 octobre 2017

DIDEROT ET HOLLYWOOD

Bon. Un gros cochon de producteur américain sautait ou cherchait à sauter toutes les starlettes qui lui demandaient un rôle. Quand je lisais Cinémonde, on en parlait déjà. Pas de Harvey Machin, mais de la promotion canapé. On est pas dans le scoop. Du coup, ça interviewe partout et même Jean-Michel Ribes s’y colle. Et comme toujours, son regard décape.

En termes mesurés (que je vais décrypter), il affirme que, lorsqu’on fait un métier de séduction, on s’expose aux dangers de la séduction. Et c’est vrai que plein d’actrices ne figurent pas au tableau d’Harvey. Marie-Pierre Casey, par exemple.

C’est caricatural, j’admets. J’aurais pu choisir Jeanne Moreau ou Alice Sapritch. Ou Maria Casarès. Ou Françoise Seigner. Je vous laisse compléter la liste. Il y a un paquet d’actrices qui ne quémandent pas de rôles et, devant l’abondance, auraient plutôt tendance à refuser.

Celles qui acceptaient l’invitation, elles imaginaient bien que le Harvey allait pas leur faire passer une audition pour tester leurs compétences dans Lady Macbeth ou Athalie. Elles savaient qu’on était dans la séduction, cette horreur des rapports humains, cette séduction qui est l’apanage éternel du plus vieux métier du monde, comme on écrit quand on veut faire propre. Il faut être deux pour danser le tango et, si j’en crois les spécialistes, tout le monde savait qu’Harvey était une sorte de DSK du cinéma. Si tu fais carrière avec tes nichons, t’étonne pas qu’on ait envie de les malaxer. C’est pour ça que j’ai écrit starlette. Parce qu’on n’est pas dans le paradoxe sur le comédien, on est dans la digue du cul.

Désormais, les professionnels réagissent comme le grand public : un bon acteur (une bonne actrice), c’est celui ou celle qui montre ce qu’il ou elle est. Alors même que c’est exactement le contraire : un bon acteur est celui qui joue ce qu’il n’est pas. A cet égard, j’irai certainement voir Omar Sy dans Knock. Faut être gonflé pour succéder à Jouvet ! Même s’il se plante, le défi mérite notre admiration, encore qu’un médecin noir aujourd’hui est accepté. Il y aura au moins de quoi réfléchir. A condition que le texte soit le même.

Quand tu refuses le paradoxe du comédien, tu admets implicitement que celle qui joue une salope EST une salope, y compris dans la vie. Hop ! Au lit !! Tout le monde oublie que « jouer », c’est un travail, qui passe par des écoles, par un apprentissage. A l’occasion de la mort de Rochefort, on a fait semblant de découvrir que nos meilleurs acteurs étaient passés par le Conservatoire. On a fait semblant de découvrir que, sauf pour jouer un chauffeur de taxi débile, il était nécessaire d’apprendre et de travailler. Même Depardieu qui n’a pas été l’élève du Conservatoire mais qui a appris sont métier avec Jean-Laurent Cochet. Faut bien ça pour qu’un quintal puisse murmurer « un point rose sur l’i du verbe aimer » en te donnant envie de pleurer.

Un terme de théâtre parle de contre-emploi qui est en fait la seule définition possible du métier de comédien. Quand tu es un con, jouer un con est facile. On le voit tous les jours. Mais, mééééh le public. Le public étant une agrégation de cons n’ira pas voir un Depardieu vieillissant jouer Rodrigue. Ouah, c’est pas de son âge. Moi, ce qui m’intéresse, c’est ça…Comment  l’acteur va me faire oublier qu’il n’a pas, dans la vraie vie, l’âge, ou la sveltesse, ou l ‘énergie du personnage. Mais comment je ne vais pas m’en apercevoir sur la scène ou à l’écran. Comment il joue, en fait. Comment il fait son boulot.

Mais voilà, je sais que c’est un boulot, que le texte est le même depuis trois siècles et qu’on ne cause plus comme ça. J’attends pas la fin, je sais comment ça finit. Je sais que Rodrigue est là car il a filé une raclée aux Musulmans. Islamophobe, va !!!

A force de filer à son public un brouet nauséabond, le Harvey, il a fini par y croire….Il a mélangé le vrai et le vraisemblable. C’est ça qui est un délit, pas de sortir sa queue. Il a contribué à détruire l’un des plus beaux métiers du monde. Avec plein de complices, dont les directeurs de casting. (profession qui n’existait pas au temps de Renoir ou Murnau). Quand tu es face à un texte, ce qui compte ce n’est pas qui représente ce texte, mais qui peut le dire. Même sans parler. Un mouvement de sourcils suffit parfois.

Faut dire que le texte, à Hollywood….

On en reparlera

Ps 1 : qui peut croire  qu'on passe une audition dans une chambre d'hôtel ? Tu vois Barrault ou Vilar faire ça ? Sans parler de Stanislavski. La nana qui va dans une chambre chercher du boulot, elle est certaine de trouver un boulot en rapport avec le lieu. Mais quelle nous la joue pas tapine-la-vertu



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire