mercredi 28 février 2018

FINDUS ET ESCOFFIER


Pas trop de réactions. Depuis une semaine une jeune blogueuse s’émerveille de trouver à la table du Crillon de la blanquette de veau et de la tête de veau Orly. Moi, ça m’espante pas. J’ai perçu le mouvement voici quelques mois déjà et tout ce qui conforte mes observations me plait. Forcément.

Quelques mois, je déconne. Ça a commencé avec Christian Parra qui avait, en sa Galupe, le boudin comme phare. Mais Christian était un extraterrestre. Il n’en reste pas moins que, de  nos conversations, j’avais conservé cette conviction que la cuisine classique était une cuisine du produit et que la recherche du produit conduirait au retour d‘Escoffier. Il suffisait d’attendre. Vingt ans après, nous y sommes.

Pas vraiment. Le monde a changé. La petite Célia, elle compare la blanquette du Crillon à la blanquette de sa grand-mère. Pas de  sa mère. Y‘a un trou dans le tissu transmetteur. Ma génération n’allait pas à la cantine scolaire. Y’en avait pas. A midi c’était retour au foyer. La libération de la femme ayant progressé, nos enfants ont été éduqués par Sodexho. Pas sur que ça les arme pour le goût.

Il y a toutefois un progrès, la tête de veau Orly, ça passe pour une nouveauté. Comme plein d‘autres plats dont la jeune génération ignore tout,  vu que les chefs télévisuels ne sont aucunement les successeurs de Raymond Oliver. Si t’aime les petits plats de Laurent Mariotte, pas la peine de m’inviter à déjeuner.

Ce retour du classicisme, je l’attendais impatiemment. Il va laisser au bord du chemin tous les mauvais et surtout tous les fainéants, tous ceux qui n’ont pas compris que la cuisine était une activité culturelle, appuyée sur un savoir, historique et géographique . Là, je rêve. Je rêve parce que les clients n’auront guère plus de savoir que les cuistots et seront prêts à avaler toutes les sottises que les communicants des cuistots viendront chier sur les cartes et les communiqués de presse. Juste un exemple : les choux à la crème. Essaye de les manger le lendemain de l’achat : ils sont devenus secs, rêches, immondes. Je me suis laissé dire que c’était la faute à la pâte à choux surgelée qu’utilisent les professionnels pour pas se compliquer la vie.

Pas se compliquer la vie. Quand Escoffier crée la pêche Melba, il commence par pocher les pêches dans un sirop légèrement vanillé. Combien de  pêches Melba servies aujourd’hui sont elles préparées selon la recette du maître ? Un bocal de pêches au sirop (non vanillé) fait tout aussi bien l’affaire. Le client, ce grand pigeon, n’y verra rien.

Les critiques, aussi peu informés, ne les aideront guère. Le temps où les critiques étaient formés dans les écoles hôtelières est révolu. De même le temps où le savoir comptait plus que les mots.  Nous venons de vivre encore une époque de l’éradication des savoirs. De gommage en gommage, où allons nous ?

Comme partout : vers les pâturages où les moutons fainéants forment le gros du troupeau et s’étonnent ensuite d’être manipulés, sinon trompés, voire escroqués. Pas que pour la cuisine. Mais à force de suivre les chemins qui descendent, il ne faut pas s’étonner d‘arriver en bas. A force de valoriser le non-savoir, il ne faut pas s’étonner de n’avoir plus rien à transmettre. Dans un monde ludique et spontané, il n’y a rien à offrir aux enfants que des jeux sans règles et des réactions sans réflexion. C’est beau un enfant qui joue. Non. Ce qui est beau, c’est un enfant qui s’efforce, un enfant qui cherche à dépasser son père (ou sa mère), un enfant qui est à lui seul, le symbole d’une humanité qui veut progresser.

Findus est il un progrès par rapport à Escoffier ?


On en reparlera…..

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